Abidjan
le 8 novembre 2004

Adresse du PCRCI aux Partis et Organisations Communistes

Sur la Reprise de la Guerre Civile en Cote d'Ivoire
Et Les Tueries Perpétrées Par l'Armée Française

La crise qui sévit dans notre pays depuis plus de deux ans connaît ces deux derniers mois, des phases particulières marquées par la reprise de la guerre avec des bombardements des populations civiles et par des tueries perpétrées par l'impérialisme français. Les conditions de lutte ne nous ont pas permis de vous faire parvenir promptement les informations et les analyses que nous en faisons. Cette note est destinée à palier cette faiblesse.

A la sortie des accords d'Accra III, le pouvoir FPI a commencé à préparer le blocage du processus de réconciliation nationale. Ainsi, les députés FPI, ont refusé d'adopter les réformes législatives préconisées par les accords d'Accra III à la date limite du 30 septembre 2004. Le 15 octobre 2004, la rébellion à son tour, refuse de désarmer au motif que le FPI n'a pas respecté la date du 30 septembre pour les réformes législatives. La communauté internationale et les puissances impérialistes une fois encore se sont contentées de condamner et d'appeler les parties ivoiriennes à la raison.

Le 30 octobre, le FPI par son président, Pascal Affi N'guessan, annonce que face au refus des rebelles de désarmer, il prend l'option du désarmement forcé, c'est à dire, la guerre. Il annonce la caducité des accords de Marcoussis, demande la démission du gouvernement de Seydou Diarra, demande à l'armée loyaliste de prendre ses responsabilités pour désarmer de force les rebelles. Ceux-ci de leur côté, retirent leurs ministres du gouvernement de réconciliation nationale et indiquent qu'ils ne désarmeront point tant que les réformes des lois ne sont pas faites selon le calendrier fixé par Accra III et suivant l'esprit et la lettre du dit accord. Ils précisent que si le FPI veut la guerre et qu'il les attaque, ils sont prêts à relever le défi. La direction du FPI appelle tous ces militants à se rendre le 12 novembre 2004 à Bouaké pour fêter la "libération". Tous les éléments étaient donc réunis pour une reprise imminente de la guerre.

Depuis le jeudi 4 novembre 2004, cette guerre, a repris par des bombardements aériens opérés par l'armée loyaliste sur les zones contrôlées par les rebelles. Le bilan annoncé par les rebelles, est de 85 civils tués, des logements, des ponts, des infrastructures économiques et sociales détruits, la fourniture de l'électricité, de l'eau et du téléphone coupée dans les villes exposant les populations civiles à des privations intolérables, des déplacements de populations, bref une accentuation des souffrances qu'endurent déjà les masses populaires du fait de cette guerre réactionnaire qui dure depuis plus de deux ans. Les forces de l'ONU et les forces impérialistes françaises fortes ensemble d'environ 11 000 hommes, se dérobant de leur obligation consistant à protéger les populations civiles selon la résolution 1528, ont qualifié ces raids d'actions militaires "limitées".

Avant la reprise des combats, les milices du FPI ont perpétré des actes barbares dans les zones sous contrôle gouvernemental: sabotage des stations de radios étrangères (BBC, RFI, Africa N° 1), destruction et incendie de sièges de journaux considérés proches des partis d'opposition (24 heures, Le Libéral nouveau, Le Nouveau Réveil, Le Patriote), destruction des journaux d'opposition pour les empêcher de paraître, destruction des sièges du RDR et du PDCI, casses, destruction et vols de biens de certains responsables politiques qui sont actuellement entrés en clandestinité, etc.

Le samedi 6 novembre aux environs de 15 heures, l'on apprend par les radios étrangères que les bombardements opérés par les forces loyalistes ont atteint un cantonnement de l'armée impérialiste française basé à Bouaké. Le bilan annoncé par les forces françaises est de 9 morts et une vingtaine de blessés. En réaction à cette attaque, les forces militaires françaises répliquent. Cinq avions de combat, du matériel de guerre, la station d'opérations militaires sont détruits à Yamoussokro.

A l'annonce de la destruction des aéronefs, les organisations "patriotiques" appellent la population à la résistance. Celle-ci dresse des barrages sur les principales artères d'Abidjan. Elle encercle le 43ème BIMA, la base militaire française en Côte d'Ivoire, tente de bloquer l'aéroport d'Abidjan pour empêcher toute sortie et toute entrée. Les véhicules sont fouillés à la recherche de blancs. Le Lycée Mermoz et le Lycée Blaise Pascal, deux écoles françaises sont brûlées. Des européens sont molestés et battus; ils sont dépouillés de leurs biens. L'armée impérialiste française passe à l'offensive en occupant l'aéroport d'Abidjan pour sécuriser les entrées et sorties, détruisant le reste des avions de l'armée loyaliste.

Au journal télévisé de 20 heures du samedi 6 novembre 2004, le porte-parole de la présidence de la république informe officiellement la population des faits qui se déroulent depuis le début de l'après midi. Il indique qu'en attendant des enquêtes sur la supposée attaque contre le cantonnement des troupes françaises à Bouaké, il condamne l'action de la France qui selon lui profite d'un incident pour attaquer la Côte d'Ivoire. Néanmoins, il exhorte la population au calme. Il indique que la question sera réglée par voie diplomatique. Mais surprise, à peine 30 minutes après cette déclaration de la présidence de la république, le président des mouvements "de jeunes patriotes", apparaît à la télévision avec tout son état major et lance le mot d'ordre "de résistance populaire" contre l'armée française jusqu'à son départ définitif de la Côte d'Ivoire, demande à l'instant à tous les Ivoiriens de se rendre au 43ème BIMA, à l'aéroport d'Abidjan et à la résidence du chef de l'Etat Laurent Gbagbo pour servir de bouclier humain car, dit-il, la France veut prendre prétexte de l'incident de Bouaké pour faire un coup d'Etat. Il précise que 100 chars sont stationnés à l'Hôtel Ivoire près de la résidence du chef de l'Etat et que les deux ponts sont occupés ainsi que l'aéroport. D'autres chefs "patriotes" font les mêmes déclarations à la suite du premier, demandent que les populations bloquent tout mouvement de l'armée française sur le territoire national. Dès cet instant les jeunes déferlent de tous les quartiers d'Abidjan, en direction des lieux indiqués. Ils encerclent l'aéroport, l'Hôtel Ivoire, la résidence du chef de l'Etat, la radio et la télévision, l'émetteur d'Abobo.

Face à ces manifestations, l'armée d'occupation française use de balles réelles, tirées d'hélicoptères, de chars. Le bilan provisoire à Abidjan est lourd: des morts, des disparus, des blessés graves, les deux ponts d'Abidjan occupés, l'aéroport toujours occupé. Des informations de l'Etat major des armées font état de plusieurs morts et blessés à l'intérieur de la Côte d'Ivoire dans les zones Ouest notamment à Duékoué, lors des passages des chars français.

Enfin, le dimanche 7 novembre aux environs de 22 heures, le président de la république, Laurent Gbagbo, dans une adresse à la nation, réaffirme son option militaire pour désarmer les rebelles, qualifie d'incident militaire mineur, l'attaque contre le cantonnement français. Il se dit surpris par la réaction française qui est allée au-delà du simple incident; il exhorte les manifestants à rentrer chez eux. Mais le mouvement se maintient sur ordre des chefs "patriotes". Les manifestations continuent et les tueries aussi jusqu'au mardi 8 novembre à 17 heures, heure à la quelle, les chars français rejoignent leur base, le 43ème BIMA. Les morts atteignent plus d'une cinquantaine, les blessés dépassent le millier selon Dr Kadio Richard responsable FPI chargé de la commission secours aux victimes.

Le Parti Communiste Révolutionnaire de Côte d'Ivoire dénonce la reprise de la guerre par le FPI, reprise lourde de conséquences pour les peuples (85 civils tués). Il dénonce les violations graves des droits humains, la répression contre les journaux et les partis d'opposition, organisées par les milices du pouvoir FPI.

Il dénonce les attaques de l'armée impérialiste française, les tueries perpétrées par elle sur des personnes sans armes. Il estime qu'il est inadmissible pour une armée d'attaquer des civils aux mains nues. Il estime que la responsabilité de ces tueries incombe autant au gouvernement français de Chirac qu'au pouvoir FPI qui a maintenu les accords de défense avec la France, et qui a demandé expressément le renforcement de l'armée française d'occupation en vue du désarmement des rebelles. Il dénonce l'irresponsabilité du pouvoir FPI qui a lancé des populations aux mains nues contre les chars français alors qu'il dispose d'une armée.

Il estime que cette guerre réactionnaire a montré au peuple de Côte d'Ivoire le vrai visage de l'impérialisme français, exploiteur et criminel. De ce fait, exiger le départ de l'armée d'occupation française, devient une revendication immédiate, une partie intégrante de la résolution de la crise actuelle, comme l'est la cessation immédiate de la guerre, la lutte pour les libertés et la démocratie, la lutte contre l'impunité des crimes politiques. Il estime que la lutte contre la domination impérialiste en particulier française est la question fondamentale à l'ordre du jour en Côte d'Ivoire. Mais lutter contre l'impérialisme français au profit des autres impérialistes, c'est choisir entre le sida et le cancer incurable. Appeler à lutter contre l'impérialisme et refuser de lutter contre ses serviteurs locaux, est une démagogie. Organiser la lutte contre l'impérialisme et ne pas intégrer dans cette lutte la défense et la promotion de la démocratie et des libertés, la lutte contre les crimes politiques et économiques, est un mensonge. Confondre la lutte contre l'impérialisme avec l'apologie du chauvinisme est criminel. De ce fait, le pouvoir FPI, social chauvin ne lutte pas en réalité contre l'impérialisme. Il tente, grâce à cette mobilisation des masses, d'obtenir un soutien français plus ferme dans son combat contre les autres fractions bourgeoises.

Le Parti Communiste Révolutionnaire de Côte d'Ivoire se félicite de cette grande mobilisation contre les attaques de l'armée française. Mais cette lutte doit s'approfondir pour aboutir à la rupture de tous les accords de sujétion, à la libération effective de toutes les chaînes, car l'impérialisme ce n'est pas seulement l'armée stationnée dans le pays, c'est aussi la domination économique, politique et culturelle. Il invite donc la classe ouvrière, la paysannerie, la jeunesse, tous les révolutionnaires, les démocrates à s'engager avec courage avec lui dans la lutte véritable contre l'impérialisme international en particulier l'impérialisme français et ses suppôts locaux, pour les libertés, la démocratie et la souveraineté populaire et nationale.

Face à la situation actuelle créée par la reprise de la guerre par le pouvoir FPI social chauvin, le Parti Communiste Révolutionnaire de Côte d'Ivoire exige dans l'immédiat, l'arrêt des hostilités, la mise en oeuvre des réformes législatives et le désarmement des forces belligérantes et des milices, la protection dans les faits des populations vivant sur toute l'étendue du territoire contre toutes atteintes aux droits humains, la poursuite contre les criminels politiques, le départ de l'armée française et de toutes les forces étrangères. Seules l'ensemble de ces conditions sont des garanties minimales pour une sortie de crise conforme aux intérêts des masses populaires.

Pour le Comité Central
Le Secrétaire Général
A. EKISSI

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